Projet de loi bioéthique : inquiétude de la Conférence des évêques de France

Le projet de loi révision de bioéthique est présenté en troisième lecture devant les deux assemblées législatives de notre pays. Du 1er au 3 juin, il a été examiné par la commission spéciale bioéthique à l’Assemblée Nationale, puis du 7 au 11 juin en séance publique à l’Assemblée Nationale. Le 17 juin aura lieu une commission spéciale bioéthique au Sénat. Le 24 juin, le projet sera débattu en séance publique au Sénat.
Ce projet de loi touche de nombreux sujets et opère de profonds changements anthropologiques. Mgr Delmas nous invite à s’intéresser et à se mobiliser autour de ces questions qui peuvent paraître techniques, mais très importantes pour l’avenir de notre société.
Déclaration à propos du projet de loi révisant les lois de bioéthique en discussion à l’Assemblée nationale
Seule la fraternité peut accueillir durablement la fragilité.
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, réuni les 7, 8 et 9 juin 2021, exprime une fois de plus sa profonde inquiétude devant le projet de loi révisant les lois de bioéthique que l’Assemblée nationale examine en ce moment en troisième lecture. Le socle de la « bioéthique à la française » dont notre pays était si fier est définitivement gommé : la dignité propre à tout être humain – petit et grand - n’est plus le point focal.
Une fois de plus, la loi prétend autoriser des transgressions nouvelles en les « encadrant ». Mais jamais un cadre ne tient. Inéluctablement, il finit par être effacé. Encadrer, c’est autoriser. L’humanité a grandi en s’imposant des interdits : interdit de tuer un innocent, interdit de l’inceste, interdit du vol, interdit du viol. Mêler des cellules humaines et des cellules animales ne doit pas être simplement encadré : ce qui doit être interdit, doit l’être clairement ; ce qui peut être autorisé, doit l’être clairement également. Cela n’est possible qu’en référence à une vision réfléchie de la personne humaine et de sa filiation. Encadrer la recherche sur les embryons alors que cette recherche ne sera pas au bénéfice de l’embryon traité, c’est se permettre de manipuler les embryons humains comme un simple matériau. C’est se mettre en situation de domination technicienne de ce qui devrait devenir un être humain à part entière.
Comme évêques catholiques, nous ne pouvons que dire à nouveau ce que nous disons depuis des années : la souffrance des personnes qui ne peuvent pas avoir d’enfant doit être accompagnée, mais plutôt que chercher toujours à étendre la domination des humains sur leurs propres commencements, nos efforts doivent d’abord porter sur la fraternité qui seule peut accueillir durablement la fragilité. Mettre en place un processus de fabrication d’enfants ne résout rien. La vie est reçue comme un don, un don que nous sommes appelés à transmettre, à partager avec d’autres.
Le Conseil permanent remercie les parlementaires qui ont le courage de mettre en question la bonne conscience qui s’impose : leur témoignage restera pour la suite de l’histoire. La vie humaine est un don, tout être humain est un don qui mérite d’être accueilli par la société entière avec un infini respect. Il encourage les associations qui s’efforcent de mobiliser nos concitoyens sur ces sujets difficiles : le site internet de la Conférence des évêques relaie ici quelques-unes de leurs propositions..
Une pétition sur le site de l’Assemblée Nationale
Ce projet de loi "bioéthique", en cours d’examen au Parlement, vise à créer des « parents » en inscrivant deux mères sur l’acte de naissance d’enfants nés de PMA et en effaçant leur père.
Les enfants nés de PMA naissent d’un père et d’une mère dont ils ont besoin et qu’ils ont le droit, dans la mesure du possible, de connaître, comme tous les enfants du monde.
Dans ce contexte, une pétition a été déposée sur le site de l’Assemblée Nationale pour une proposition de loi visant à définir le sens du terme « parents » en matière de filiation.
Parce que les enfants nés de PMA naissent d’un père et d’une mère dont ils ont besoin et qu’ils ont le droit, dans la mesure du possible, de connaître, comme tous les enfants du monde, notre évêque et Mgr d’Ornellas (archevêque de Rennes et président du groupe de travail sur la loi de bioéthique) proposent de signer cette pétition :
Les podcasts sur la bioéthique
Tout ce qui est techniquement possible est-il recevable du point de vue éthique ? Comment protéger l’Homme en comprenant qu’il n’est pas un bien que l’on transforme ? Quel monde édifions-nous ? Aussi bien pour nous que pour les générations à venir ? Les questions soulevées par la révision des lois de bioéthique sont complexes.
Face à ces enjeux, la Conférence des évêques de France entend contribuer au débat. Elle propose, avec une série de podcasts, une réflexion simple qui repose sur les principes fondamentaux de la préservation de la dignité humaine et qui invite chacun, à un discernement personnel et engagé.
Le projet de loi bioéthique : « Un désaccord abyssal », tribune de Mgr d’Ornellas
Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, responsable du Groupe bioéthique de la conférence des évêques de France, s’est exprimé le le 7 juin 2021 dans une tribune publiée dans Ouest-France, sur le débat relatif au projet de loi bioéthique qui revient à l’Assemblée nationale pour une 3e lecture.
Pourquoi donc relancer le débat sur le projet de loi de bioéthique à l’Assemblée nationale ? Il manifeste un désaccord si abyssal ! Députés et sénateurs n’ont pas réussi à s’entendre. Deux visions s’affrontent. Hélas, le véritable dialogue paraît impossible, voire non souhaité.
En effet, la majorité de l’Assemblée refuse d’entendre le Sénat. Ces députés maintiennent leurs options sans prêter attention aux arguments des sénateurs. Or, l’existence des deux Chambres est gage de démocratie, grâce au dialogue entre elles. Il suppose qu’on accueille les arguments de l’autre pour y réfléchir, et qu’on cherche ensemble la meilleure voie en s’étant accordés sur une compréhension de l’être humain. Le non-dialogue conduit au déni de démocratie. Cela engendre un grave abus de pouvoir. Il est dangereux de gouverner seul, sans altérité.
Quelles sont ces deux visions ?
L’une a pour pierre angulaire la dignité humaine et son respect inconditionnel. Elle inspire le « modèle français de bioéthique » depuis 1994. À l’aune de ce respect, sont évaluées les possibilités techniques dans le domaine biomédical. Si la dignité est partagée par tous, la recherche du bien commun est vitale afin que chacun puisse se développer selon cette dignité, sans discrimination aucune. Au nom de la justice et du bien commun, une attention est prioritaire pour que le soin soit accordé aux personnes fragilisées par l’infertilité ou la maladie.
L’autre promeut les désirs individuels au nom de l’égalité, quelles que soient les différences objectives des situations, ce qui s’apparente davantage à un égalitarisme entre tous. C’est en vue de la réalisation de ces désirs que sont examinées et promues les techniques. La distinction entre les personnes atteintes d’infertilité et les autres n’a plus de raison d’être, puisque seuls leurs désirs sont considérés.
Avec ce projet de loi, le « projet parental », où s’expriment les désirs individuels des adultes, s’est substitué à la dignité. C’est ainsi qu’en fonction des désirs, la loi, si ce projet est voté, privera certains d’avoir un père, tandis que d’autres en auront le droit. Quelle discrimination ! Basée sur les désirs individuels, la loi sera donc injuste et bafouera un droit élémentaire : chaque être humain nouveau-né a le droit d’avoir un père et une mère. Mais comment des désirs individuels n’engendreraient-ils pas des discriminations ?
De fait, ce projet de loi soumet l’être humain venant en ce monde au pouvoir des adultes. Avec ce projet, puisque la technique le permet, ceux-ci pourront réaliser leurs désirs librement. Si la dignité demeurait la référence cardinale de la bioéthique en France, alors le respect des droits de celle ou celui qui vient au monde ne les priverait pas de leur ascendance paternelle. Ce qui serait heureux car « le rôle du père est essentiel », discerne le CCNE (Avis n° 126).
Jean-Louis Touraine, député-rapporteur pour ce projet de loi, vient d’affirmer son « credo » : « L’intérêt supérieur de l’enfant est notre credo, notre obsession, de la première à la dernière ligne. » Comment admettre que la privation légale de père et que la soumission au pouvoir des adultes, mais aussi la conservation des ovocytes pour convenance personnelle (sans critère thérapeutique), sont dans l’intérêt de l’enfant ? Par ailleurs, quand le « credo » est « obsession », la radicalisation n’est pas loin. Il y a fort à parier qu’il rende incapable d’écouter les arguments de l’autre, qu’il engendre l’intolérance et tue le dialogue. Le « modèle français de bioéthique » est en train de mourir, faute de démocratie !
Source : Diocèse de Rennes